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Evénement / Débat
Régulation des médias

Notes sur l’assemblée de l’AIPCE à Oslo

par Manola Gardez

Les principales thématiques abordées lors de cette session qui s’est tenue les 14, 15 et 16 octobre 2009 à Oslo :
- Liberté de la presse, éthique et montée en puissance des médias sociaux
- Relations entre politiques et presse en démocratie
- Problèmes éthiques du reportage judiciaire
- Enfance et presse
- Arbitrage et conciliation
- Ethique et droit de la presse : les développements dans les institutions européennes
- Financement des conseils de presse en période de crise.





Notes de Manola Gardez et Nathalie Dollé, participantes françaises de la rencontre.

Jeudi 15 octobre
Tour de table des représentations nationales sur leurs rapports annuels.

Arménie  
CP pas encore assez institutionnalisé.
Seulement la moitié de journaux ont signé le code national d’éthique, la plupart des autres sont des « journaux politiques » qui craignent que leurs adversaires les attaquent par l’intermédiaire du CP.
Un projet de loi prévoit d’aggraver les sanctions concernant la diffamation.

Belgique
95% des médias de presse flamands adhèrent au CP.
Autant de plaintes que l’an dernier. Elles concernent davantage des questions de vie privée. Un nouveau type de plaintes apparaît : l’utilisation par les journaux de photos récupérées sur les sites sociaux d’internet (Facebook…).
Au printemps prochain le CP flamand devrait pouvoir traiter les cas sur internet.
Le CP donne des avis y compris pour des cas relatifs à des médias qui ne sont pas membres, à partir du moment où ces médias revendiquent « faire du journalisme » ; un site internet a lancé une action en justice pour dénoncer cette situation ; pour l’instant, la décision en référé a suspendu l’annonce publique de l’avis en question.
Le CP de Belgique francophone commencera réellement ses travaux le 1er novembre.

Bosnie
Politiquement c’est la catastrophe qui pourrait aboutir soit à la guerre soit à une séparation civile dans le pays.
Le CP prend en charge les médias de toutes les communautés. Son fonctionnement devient très difficile (des médias ne paient pas, ils accusent de partialité, se retirent….) Une partie d’entre eux souhaitent une « loi » sur la presse.
Problème de reconnaissance du Kosovo.
Le CP a reçu cette année 97 cas, plus que l’an passé.

Bulgarie
Elargissement du nombre de médias qui ont signé le « code éthique », adopté aussi par la publicité qui a mis en place une instance de régulation (mais toujours pas de CP à proprement parler).
Situation d’un journal régional qui a été « condamné » pour une lettre de lecteur : ça devient dangereux. Autre dérive, la publication des noms de journalistes qui ont collaboré avec les services secrets communistes avant 89.

Danemark
CP créé par loi, donc tous les médias en font partie sauf les sites internet.
Tendance marquée au non-respect de la vie privée : le CP exige dorénavant l’accord formel des personnes intéressées ; celui de la police ou de l’hôpital ne suffit plus.

Estonie
Le nombre de cas en hausse.
Discussion autour des « non-journalistes » sur internet dont le CP ne se préoccupe pas…
Le public préfère négocier directement avec les médias, surtout à l’ère d’internet, car le CP demande un mois pour le traitement d’une plainte.
Souci au sujet de la publication d’infos sans vérification (piquées sur internet elles peuvent dater de longtemps, être fausses…), le débat est en cours.
Les gens sont maintenant mieux informés sur leurs droits à la privauté et la tendance est plutôt de ne pas publier un article pour éviter préventivement les problèmes => c’est un réel danger (auto-censure).

Finlande
Les partis politiques sont corrompus et ils financent de nombreux médias.
Notre code d’éthique devient caduc, il faudrait y apporter des avenants en permanence et le temps manque pour le faire.

Allemagne
Début de traitement de cas provenant de sites internet (ce qui a augmenté le nombre de plaintes d’environ 50 %). Le CP attend que les grands médias signent pour leur extension sur internet.
Souci émergent : mélange pub/rédactionnel.

Hongrie
La création du CP est pour l’année qui vient. Normalement.

Irlande
Etude réalisée avec les « editors » sur la notion d’« accuracy » (exactitude, justesse d’une info).
Vraie difficulté avec le secret des sources qui n’est pas garanti.

Israël
Le CP défend avant tout l’auto-régulation, contre des lois. Nous devons avant tout protéger « la liberté de la presse ». L’éthique est l’exclusive responsabilité des journalistes et des médias.
Pas assez de plaintes. Le CP fait beaucoup de pédagogie parce que le plus souvent les plaintes sont des cas de désaccords avec le contenu d’un article ; notre réponse est alors :« changez de journal ! »
Le CP rencontre de vrais problèmes de financement parce qu’il refuse les subventions publiques.
Campagne du CP pour que les titulaires d’une carte de presse bénéficient d’un minimum de formation en déontologie.
Demande d’un site commun de débat en ligne à l’AIPCE.

Kosovo
Nouveaux membres du CP : agences internet et quelques journaux.
Plus de cas cette année.
Deux cas représentatifs :
- un journal perd l’énorme budget pub de la compagnie de téléphone parce qu’il a publié un papier critique sur l’entreprise.
- le plus grand annonceur, l’Etat, distribue ses budgets publicitaires comme des bons points. Les journaux d’opposition n’en bénéficient donc pas… Liberté éditoriale en danger. Il n’y a jamais eu autant d’interférences entre gouvernement et presse…

Luxembourg
Amendement de la loi sur la liberté de la presse en cours.

Pays-Bas
Le CP a créé deux commissions (« internet » et « vie privée »pour proposer des amendements au code d’éthique.
Un certain nombre de média ont quitté le CP à la suite d’avis prononcés à leur encontre.
Bouquin en cours de réalisation sur le financement des CP.
Grosse polémique autour d’une décision du CP qui a dénoncé l’enregistrement d’une conversation téléphonique sans que l’interlocuteur soit prévenu.

Norvège
Moins de plaintes que l’an passé.
Le CP est respecté de tous : journalistes, public et politiques.
Webcast de certaines séances de traitement de plaintes. Avec l’accord des parties concernées, les débats sont donc diffusés sur le net => bonne expérience mais le fait que les débats soient filmés peut empêcher les participants de changer d’opinions, ou d’être convaincus par les autres membres …

Catalogne
Le CP existe et stagne depuis 11 ans. Réforme en cours pour que les médias et le public soient davantage impliqués.
Existence même du CP peu connue.
Manque de fonds parce que la cotisation est très faible.
Souhaite travailler davantage de manière préventive et se positionner davantage dans le débat éthique.
Violations régulières des droits des migrants, des jeunes…
Difficulté pour les médias de reconnaitre leurs erreurs.

Suède
Vrai conflit entre les anciens et les nouveaux médias.
Problèmes de financement du CP et de l’ombudsman quand l’argent provient avant tout des éditeurs papiers.

Suisse
En novembre, les éditeurs entrent dans la fondation du CP. Ils vont sans doute tenter de modifier la convention collective.
Les plaintes pour violation de vie privée sont toujours plus nombreuses. (cf la récupération sur internet).
Meilleur impact du travail du CP grâce à une campagne d’information dans les rédactions, même si cela prend du temps.

Royaume-Uni
Hausse des plaintes due en particulier aux actions de lobby. C’est une vraie interrogation, parce que sur les milliers de plaintes reçues, trop ne relèvent pas du tout des compétences d’un CP.
Pour mieux expliquer sa façon de travailler, le CP publie tous les mois un récapitulatif des plaintes et de leur traitement.
Profonde question sur la récupération d’informations sur les réseaux sociaux internet…
Problème de l’intérêt général qui prime sur la privauté.

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Les CP en cours de création. En plus de la France :

Albanie
Pays où il y a le plus de titres par habitant mais la circulation la plus faible…
Médias corrompus, souvent ni éthiques ni responsables, coincés entre business (médias liés à de grosses entreprises privées) et politique. Marché complexe et pas transparent.
L’opinion publique est extrêmement critique sur la presse.
Existence d’un code d’éthique malgré tout mais pas encore d’un CP.

Croatie
Le projet de CP est financé par une fondation allemande. Mais la création effective n’est pas pour demain.
90% des journalistes travaillent pour les deux « global média » pas du tout intéressés par l’existence d’un CP.
La dénonciation publique de la très mauvaise qualité des journaux par un certain nombre d’intellectuels relance la dynamique autour du CP.

Georgie
Une « Charter Community of Ethics » existe déjà.
Importance de la collaboration avec le Conseil de l’Europe et des organisations internationales.
Initiative très importante pour le pays afin d’établir une conscience éthique professionnelle de l’ensemble de la communauté, à savoir journalistes et éditeurs.
Le public est demandeur.

Kazakhstan
Création d’un CP en cours qui s’inspire de l’expérience russe.
Soutien fondamental de Soros (Open Society Institute).
Grâce à la collaboration avec l’OSCE, réalisation de programmes dans les lycées et l’année prochaine dans les facultés. Travail sur la liberté d’expression mais aussi maintenant sur l’éthique et la responsabilité du journalisme.

Kenya
Le CP n’a pas de statut propre, c’est une institution gouvernementale.
Media Act et Media Council.
Ignorance de tout le monde de ce qu’est un CP, y compris des politiques.
Expanded mandate => monitor media.

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Session : Lord Roy Hattersley (invité anglais)

Robert Kennedy disait en substance : les médias sont comme la mer, les politiciens y flottent ou y coulent.
Problème numéro 1 : la concentration des médias.
Le principe d’intérêt public doit primer dans les infos sur les personnalités (et non pas ce qui intéresse le public !)
Manière de dealer avec les médias.
Il faut : pluralisme médiatique, pluralisme politique, pluralisme d’organisation de la société.

Quand Murdoch proclame qu’il ne soutiendra plus Gordon Brown, ce n’est pas pour ça qu’il ne sera pas réélu. Les journaux vont « instinctivement » du côté des vainqueurs. C’est parce que le candidat va gagner qu’il est soutenu et certainement pas l’inverse.

Session : Sven Egil Omdal (invité norvégien)

Internet, facebook, twitter, digital age... où est l’éthique dans tout ça ?
Plateforme = > même code de conduite que les journalistes professionnels ? Non, car pas du tout les mêmes obligations.
Mais faut-il réguler ? Quels critères internationaux dégager ? Quelle instance de garantie ?
Il faut établir des standards pour engager la responsabilité des utilisateurs. Tout en étant très souple parce que le système même de ces nouveaux médias est extrêmement libre et ne pourrait pas supporter des contraintes trop lourdes.

S’interroger sur les restrictions que le NY times et le Washington Post imposent à leurs journalistes en matière de participation aux réseaux sociaux, y compris en tant que citoyens. Ce serait le prix à payer quand on a des responsabilités…

Session : Ognian Zlatev (participant Bulgarie)
Sur le financement des CP.
La situation des CP est très différente en termes de financement. Plusieurs modèles existant.
Possibilité même de financement par le Conseil de l’Europe (cas de la Bulgarie qui vient d’en recevoir, par exemple). Voir le document.

Opportunités pour les CP les plus avancés de dégager des ressources :

Production de brochures et de travaux payants
Organisation d’ateliers d’études de cas payants (avec participants étrangers par exemple)
Compilation payante et internationale de ces études de cas
Financement d’organisations internationales
Participation à des études universitaires
Travaux communs avec des organismes de régulation hors-presse
Travaux avec des organisations de consommateurs ou des programmes RSE (par exemple avec les laboratoires pharmaceutiques sur la qualité des informations sur la santé…)

Session Magne Raundalen (invité norvégien)

Les journaux sont les produits les plus exposés aux enfants : à leur hauteur, davantage que les affiches.
The Child Right Convention.
« Brain is use-dependant ».

Session Yrsa Stenius (participante suédoise)

Reporting on crime. (Voir le texte de son intervention).
Elle fait un parallèle très intéressant entre le traitement des faits divers et la transformation de l’Etat : « la manière de traiter le faits divers représente l’idéologie de la société ».
Par exemple dans les 70’s un délinquant, même condamné, reste traité comme victime du système qui n’a pas réussi à ce qu’il ne commette pas d’acte délinquant.
Autre exemple, à l’exception d’un seul canard, personne n’avait rendu public le nom ni la photo du gars arrêté pour le meurtre du premier ministre Olof Palme avant sa condamnation. Ca ne se ferait plus aujourd’hui.
C’est toute la notion d’intérêt général qui a changé. Avant, le « crime » était perçu en fonction de ses causes et de ses conséquences sur la collectivité. Aujourd’hui le système n’est plus jamais interrogé, c’est l’individu qui est avant tout mis en avant. On est progressivement passé d’une responsabilité collective à une responsabilité purement individuelle.
Et la notion « d’intérêt public » disparaît toujours davantage.

Session Tim Toulmin (participant Royaume-Uni)
Réception de 12 000 plaintes par an, dont environ 2000 sont traitées.
Résultats du traitement :
Corrections et excuses 68 %
Lettre personnelle d’excuses 38%
Publication de l’avis du CP 20%

En Angleterre des arrangements à l’amiable sont possibles par l’envoi de fleurs, d’argent à l’intéressé ou à une ong, par un voyage... (En Estonie ce serait considéré comme de la corruption !). Tim répond que ces cadeaux sont offerts en pleine transparence, donc pas de problème.
Les lois sur la presse sont très dures au Royaume-Uni.
La rapidité du traitement des cas est dû aux contacts quotidiens avec les médias (par les nombreux permanents). Le PCC traite le cas et sa décision est approuvée par une résolution.
Les plaignants sont généralement très satisfaits du PCC : rapidité et résolution le plus souvent à l’amiable ou par la publication d’excuses.

La majorité des cas sont résolus lors de l’étape médiation. Alors qu’en Belgique seulement 30 à 40 % des cas se concluent après la phase de médiation.

UK ne demande pas obligatoirement au plaignant d’avoir contacté le média avant de déposer une plainte car il reconnaît que les gens peuvent être intimidés de contacter un média, surtout un rédacteur en chef (quand il n’y a pas de médiateur).

Le PCC suggère toujours au média l’emplacement de publication de l’excuse ou de l’avis : avant ou sur la même page que l’article mis en cause.

Date de publication 20 octobre 2009
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